À la découverte des champignons

Qui n’a jamais été intrigué par l’apparition des champignons, une fois l’automne arrivé ?

Les champignons nous fascinent, nous émerveillent ou nous effraient. Tantôt comestibles (songeons aux délicieux cèpes de Bordeaux), tantôt toxiques, voire mortels (vous avez dit amanite phalloïde ?) dans certains cas. Leurs formes, leurs structures et leurs couleurs sont extrêmement diverses et variées.

Le savez-vous ? Plus de 10.000 espèces de champignons ont été recensées en Belgique, ce chiffre s’élève à environ 30.000 en France. Et à l’échelle mondiale ? Les estimations sont de 1 à 1,5 million d’espèces potentielles (pour “seulement” env. 100.000 espèces décrites) ! Il existe des réservoirs largement inexplorés de diversité fongique dans les forêts tropicales, mais aussi dans les intestins de coléoptères (sous forme de levures) et dans les excréments de nombreux animaux !

Quel que soit leur mode de développement, les champignons jouent un rôle écologique fondamental au sein des écosystèmes. Plongeons-nous à nouveau dans leur monde captivant…

Connexion Nature : plongée dans le monde des champignons

Mode de reproduction par spores

Le véritable champignon vit toute l’année dans le sol ou dans du bois. Il s’agit du mycélium, composé d’un réseau extrêmement dense de fins filaments appelés « hyphes », généralement de couleur blanche.

Ce qu’on appelle communément champignon est le sporophore, à savoir la partie « fructificative » du champignon libérant les spores en vue de la reproduction.

C’est en cultivant certains champignons que l’on a mieux compris le processus de germination des spores de champignons. De prime abord, on pourrait croire que la germination d’une spore permet au champignon de se constituer, mais le processus n’est pas aussi simple que ça.

Un mycélium primaire issu d’une spore a besoin d’être au contact d’un autre mycélium primaire. Dans les bonnes conditions (de température, d’humidité), ces 2 mycéliums se rejoignent parfois pour former un mycélium secondaire fertile. Mais il est nécessaire que les 2 mycéliums soient de « polarité » opposée. Sinon la conjonction nécessaire pour la reproduction ne peut pas avoir lieu. On a aussi remarqué que chez certains champignons (comme les coprins par exemple) il faut 4 mycéliums, et pas 2 !

La probabilité que toutes ces conditions soient remplies au bon moment est très faible, d’où la production de spores en très grande quantité. Pour donner un ordre de grandeur, un seul polypore aplani libère plusieurs trillions de spores !

Notons que les champignons peuvent également se reproduire de façon asexuée.

Ni plantes ni animaux, un règne à part

Pendant tout un temps, les champignons ont été classés parmi les végétaux. Ce n’est plus le cas de nos jours. Aujourd’hui, les champignons figurent dans un règne à part, le règne fongique.

Pourquoi ne sont-ce pas des plantes ? Car les champignons sont incapables de réaliser la photosynthèse chlorophyllienne réalisée par les plantes. Ils ne sont pas capables de fabriquer leurs propres molécules de carbone. (Pour rappel, la réaction de photosynthèse consiste à transformer eau et gaz carbonique en sucres grâce à l’énergie de la lumière solaire.)

Pourquoi les champignons ne sont-ils pas classés dans le règne animal ?

o    Les animaux utilisent l’ingestion comme principal mode de nutrition, avec différents types de pièces buccales (broyeur / piqueur-suceur, …). Les champignons sont dépourvus de pièces buccales.

o    Par ailleurs, les cellules animales ne sont pas entourées par une paroi cellulaire qui renforce leur structure comme la chitine chez les champignons.

Les champignons ont dû trouver d’autres solutions pour se procurer les molécules de carbone, les sucres, indispensables à leur développement… Voyons tout de suite de quelle manière.

Trois modes de développement différents

Pour se développer, les champignons s’attachent aux substances organiques selon différents procédés.

o    Certains champignons peuvent se développer au détriment d’êtres vivants. Il s’agit de champignons parasites, qui prélèvent des nutriments au détriment de leur hôte. Ce sont des champignons parasites qui sont responsables de maladies des plantes, comme le mildiou ou l’oïdium, ou de mycoses de la peau chez l’être humain ou d’autres mammifères.

On peut également citer le cas de parasites de faiblesse comme les polypores. L’amadouvier (Fomes fomentarius) est en un représentant. Ce champignon s’installe sur un arbre à l’occasion d’une blessure par exemple, il colonise rapidement les tissus et provoque à terme une pourriture blanche. Ils ont un rôle écologique de sélection naturelle au détriment d’organismes affaiblis / hôtes blessés et contribuant ainsi à une plus large proportion de gènes transmis par des arbres plus résistants au sein d’une population donnée.

Les rouilles et les oïdiums entrent aussi dans cette catégorie, parasitant une espèce végétale bien précise.

o    D’autres champignons se développent en absorbant des matières mortes, ces champignons sont dits « saprophytes ». Beaucoup d’espèces de champignons croissent sur des substances mortes, d’origine végétale (bois pourrissant, feuilles mortes) ou animale (excréments, cadavres). Ils les décomposent petit à petit et les transforment en humus, ce qui constitue un rôle écologique fondamental dans le grand cycle du Vivant. On peut citer comme exemples l’hypholome en touffe et le xylaire du bois qui décomposent des souches d’arbre mort, ou celui des coprins se développant sur des excréments ou sur du fumier. Les pleurotes cultivés sur du marc de café font aussi partie de cette catégorie.

o    Les champignons symbiotiques ou mycorhiziens : ce sont ceux qui vivent en association avec une plante. Cette relation est bénéfique pour chacun des deux partenaires. Dans certains cas, le champignon pénètre à l’intérieur des radicelles de l’arbre (on parle d’endomycorhizes). Dans d’autres, les hyphes du champignon envahissent les extrémités des radicelles pour y constituer une sorte de manchon ou chaussette externe (on parle alors d’ectomycorhizes). Les mycorhizes protègent les racines et radicelles de l’arbre contre les attaques de parasites, elles favorisent l’absorption d’eau et de sels minéraux grâce aux nombreux filaments très fins du mycélium. Quant à l'arbre, il fournit au champignon les sucres (molécules carbonées) indispensables à sa croissance.

La célèbre amanite tue-mouches (Amanita muscaria) entretient une relation symbiotique avec des bouleaux et des épicéas par exemple. D’autres champignons symbiotiques sont le bolet à pied rouge, le pied-de-mouton et le lactaire délicieux (parmi tant d’autres).

Les arbres mycorhizés se développent mieux et sont plus résistants face aux pathogènes.

Décomposition d’une souche de hêtre mort par des polypores

Facteurs externes du milieu

Un certain nombre d’éléments peuvent favoriser ou non le développement des champignons. On peut citer :

·         La température : les variations de température et leur durée ont un impact sur le développement des sporophores. La température idéale pour un grand nombre de champignons se situe entre 20 et 25°C, même si certains champignons apprécient des températures plus froides. Par exemple : 10 à 15°C pour la collybie à pied velouté (Flammulina velutipes).

·         L’humidité est indispensable au développement des champignons, mais à des degrés variables selon les espèces. De manière générale, les plus petits champignons sont plus sensibles à l’humidité (car moins de réserves) que les grands.

Attention : le timing ici est très important. En effet l’humidité doit survenir au bon moment et ne doit pas durer trop longtemps (par exemple une fin d’été ou début d’automne humide après un été sec).

·         L’altitude joue un rôle de par son impact sur la pression atmosphérique et le type de végétation. On trouve beaucoup d’espèces de champignons jusqu’à 800 à 1.000m. Au-delà de cette altitude, il est encore possible d’en trouver (jusqu’à une limite d’environ 2.500m) mais moins. Il s’agit alors d’espèces montagnardes.



Usages au quotidien, domaine de recherches et comestibilité

Les champignons sont présents dans quantité d’aspects de notre quotidien. Songeons aux levures, aux processus de fermentation pour fabriquer du pain ou de la bière. On peut aussi faire référence aux moisissures qu’on trouve sur les fromages bleus comme le roquefort.

Les champignons synthétisent des molécules complexes, notamment des antibiotiques (applications dans le domaine médical).

Les champignons sont étudiés aussi au niveau de leur potentiel de dépollution d’anciens sites industriels.

Dans le domaine de la mode aussi ! On a réussi à créer un cuir (le Muskin), 100% biodégradable, à base de champignon.

Mucidule visqueuse (qu’on rencontre de la fin de l’été à l’automne, le plus souvent en petits groupes sur des troncs de hêtre, vivants ou morts)


Toxicité des champignons

Je souhaite mentionner 2 éléments importants à ce sujet, avant d’aborder brièvement quelques grands syndromes associés à la consommation de champignons.

  • les champignons sont riches en chitine, un composé azoté très difficile à digérer ;

  • les champignons contiennent plusieurs sucres particuliers : le tréhalose et le mannitol. Le tréhalose ne peut être dégradé que par la tréhalase, une enzyme qui manque génétiquement chez beaucoup de personnes. Pour celles-ci, ingérer de grandes quantités de tréhalose conduit à une fermentation qui va provoquer des diarrhées importantes. Quant au mannitol, il peut aussi induire des problèmes intestinaux.


    Passons à présent en revue différents syndromes liés aux champignons toxiques (grand merci aux précieuses notes de Françoise L., dans le cadre de la formation que j’ai suivie auprès d’Education-Environnement, dont je me suis inspiré à ce sujet) :  

o   Syndrome psylocibien : syndrome hallucinogène dû à des molécules de la famille de l’acide lysergique (à partir duquel est fabriqué le LSD). Ce syndrome concerne surtout des champignons tropicaux. Dans nos régions, seules quelques espèces possèdent assez de principes actifs.

o   Syndrome panthérinien : tachycardie avec hypertension et d’autres effets, dont le fameux effet hallucinogène. Intoxication assez complexe due aux amanites telles l’amanite tue-mouches (la plus connue mais pas la plus dangereuse) et l’amanite panthère.

Les champignons les plus dangereux sont ceux responsables des syndromes à incubation longue. Dans ce cas, la ou les toxines ont le temps de détruire l’organisme avant que l’individu ne soit alerté par les premiers symptômes. Lorsque ceux-ci se manifestent, il est souvent déjà trop tard ! Ce qui nous amène au…

o   Syndrome phalloïdien : il s’agit du cas le plus grave d’incubation longue. Il arrive plusieurs heures (10h à 36h voire 48h après l’ingestion). Les espèces responsables sont les amanites mortelles (détruisant le foie et les reins, leur toxine agit comme un inhibiteur au niveau de la régénération cellulaire !) : l’amanite phalloïde, l’amanite vireuse, l’amanite printanière. D’autres champis comme les petites lépiotes, la mortelle lépiote brune (Lepiota helveola) sont très dangereuses car ce sont des copies conformes en tailles réduites des grandes lépiotes (comme la coulemelle) dont certaines sont comestibles et recherchées.

Aussi responsable de ce syndrome phalloïdien : la galère marginée, qui ressemble à s’y méprendre à la pholiote changeante (un comestible assez réputé !).

Amanite phalloïde, mortelle. Sur la photo, on distingue bien la volve et l’anneau de ce champignon.

o   Syndrome coprinien : lié à la consommation de certains coprins, surtout le coprin noir d’encre et le coprin micacé, et l’alcool. Le syndrome a lieu même quand l’alcool est ingéré longtemsp après les champignons (jusqu’à 72h, soit 3 jours après). L’organisme a une réaction semblable à celle obtenue lors des cures de désintoxication alcoolique (l’effet « antabuse »). La personne est prise de malaises intenses, rougeurs, effets cardiaques. Ces symptômes sont rémanents et peuvent durer plusieurs jours.

o   Syndrome paxillien : lié au paxille enroulé (Paxillius involatus). Consommé en quantités trop importantes et pendant plusieurs années, il peut mener à de graves intoxications, parfois mortelles, par accumulation de toxines de sensibilisation personnelle progressive. On a découvert ce syndrome il y a une vingtaine d’années seulement, les connaissances continuant à évoluer en permanence.




De par leur capacité à stocker des polluants et des métaux lourds, il s’agit de ne pas exagérer en terme de consommation de champignons. Ceux-ci, même les bons comestibles, ne doivent pas être consommés en grande quantité (des articles traitent de la quantité maximale recommandée par semaine/mois/année). Les champignons ne doivent en aucun cas constituer l’élément principal d’un plat mais bien un simple accompagnement.




Pour conclure, je vous souhaite de beaux moments d’émerveillement lors de cette saison automnale aux teintes chatoyantes. Profitez au maximum des couleurs et des senteurs caractéristiques de cette période.

Et, lorsque les températures baissent ou qu’il commence à faire plus humide, le réconfort de se réchauffer avec une soupe au potimarron ou en dégustant des noisettes ou encore des châtaignes grillées est tellement agréable. Ne vous en privez surtout pas.

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